Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait cela et je devais avouer que j'avais peur comme ma première fois. Faire quelque-chose par moi-même. Organiser de A à Z une des activités de l'association. Trouver les partenaires, enclencher les inscriptions, trouver l'endroit, le jour, le comment. Je savais tout ce que j'avais à faire, bien sûr, je le faisais depuis des années, je savais exactement qui aller voir et je savais que cela se passerait bien. Mais je ne pouvais empêcher l'appréhension. J'avais le cœur battant et les mains légèrement tremblante, alors que je resserrais mes doigts autour du volant. Ça va aller, m'intimais-je au calme. Même un refus ne serait pas la fin du monde. J'en avais eu, des refus, durant toute ma « carrière ». Je savais que tout n'était pas toujours possible ou faisable. Mais à l'époque, j'avais une certaine réputation et je n'avais plus grand-chose à prouver, juste des progrès à faire, encore. Aujourd'hui, je n'avais plus aucun crédit dans la base. Je devais faire mes preuves et prouver ma valeur. J'avais le fantôme de mon passé sur les épaules et je savais que si ma valeur était connue dans mes actes, mon intégrité morale avait été clairement mise à mal par mon mariage avec Cillian. On me le reprochait et je n'arrivais pas vraiment à comprendre cela. N'étais-ce pas ma vie, après tout ? Pourquoi aurais-je moins de valeur et d'estime de moi, parce que j'avais refait ma vie après le décès de mon mari ? D'accord, notre union avait été précipitée et les vraies raisons de celle-ci étaient plus obscures qu'on ne voulait bien le prétendre lui et moi. Mais c'était notre vie après tout. Cela ne changeait en rien mon statut de femme de principes... non ?

Posant les yeux sur mon alliance, je soupirais. Je détestais avoir eu à faire cela, mais je n'avais pas eu le choix. Je faisais de mon mieux pour rendre les choses le plus acceptable possible et j'avais l'impression que je pouvais et me devait de faire les bonnes choses pour les familles de la base. Oui, voilà. Je devais faire les bonnes choses. Je devais être utile... et il était certain que je pouvais l'être. Je l'avais déjà fait. Je soupirais bruyamment, une nouvelle fois. Plus pour accompagner la vague de courage qui me prenait soudain, que pour réellement m'en donner. Il fallait y aller, prendre son courage à deux mains, redevenir la Lenor d'avant, capable de soulever des montagnes au nom des enfants de militaires de l'Hickam Airforce Base... A ceci près que je n'étais plus Lenor Cartwight, mais Lenor Ceallaigh.

Avec un dernier élan de Allez, allons y mentaux, je sortis de ma voiture et pris la direction de la plage. Je ne mis pas très longtemps à repérer les surfer en actions et sourit en reconnaissant quelques-uns d'entre eux. Je ne me rappelais plus forcément du nom de tous, mais les visages m'étaient familiers. Des enfants de l'île et j'oubliais rarement les visages des enfants que j'avais côtoyés. Prenant mon mal en patience, je me posais sur le sable, jambes repliés contre ma poitrine, observant les garçons dans leur art. Ils étaient tellement doués. Je n'avais jamais vraiment réussi à tenir debout sur une planche dans les vagues, peu importe combien j'avais essayé. J'avais appris depuis le temps à me contenter du stand up paddle ou de la natation. Evan n'avait jamais eu le courage de tenter plus loin l'expérience de l'apprentissage du surf. Le manque de temps y était pour beaucoup.