1995 Ta vie ne sera plus jamais la même. Il faut vivre avec, même si parfois, c'est facile à dire qu'à faire. Seule dans ma chambre éclairée par la petite lampe de veille que mes parents ont fait installer au moment de mon retour, j’entends soudainement la porte de la chambre parentale se fermer, puis plus un son dans la maison. Ce fut automatique, je commençai à angoisser. Je n’aimais pas le noir, le silence. Cela me faisait peur, et je ne savais pas encore comment contrôler cette peur. Lorsque nous étions dans cette cave, c’était que ça que nous connaissions, Cameron et moi, le noir. On n’entendait rien de ce qui se passait. On recevait un peu de nourriture quand nous étions silencieux. Puis un jour, la trappe s’était ouverte pour de bon, on nous avait poussés à l’extérieur et on avait pu retrouver nos parents, comme si de rien n’était. Cameron et moi, nous tentions de reprendre nos vies normales depuis ce temps, mais on savait, lui comme moi, que plus rien n’était normal. Il était probablement le seul à le comprendre d’ailleurs, et malheureusement, il était si distant depuis que nous étions de retour à la maison que je n’avais pas pu en parler, et je me retrouvais seule dans mes tourments, en ayant assez de tout cela.
Puis, finalement, je choisis de faire le premier geste, puis je me tirai du lit. À pas de loups, je me rendis dans la chambre de Cameron. Je ne frappai pas à la porte, entrant directement pour ne pas réveiller les parents. Je chuchotai alors, d’une voix timide et juvénile :
« Cam’, tu dors ? » Ce que j’eus en réponse, ce fut un
« Comment tu veux que je dorme, Li’ ? » Je poussai un petit soupir en pinçant les lèvres. Évidemment, cela ne me plaisait pas qu’il soit aussi maussade que moi, mais en même temps, le simple fait de savoir que je n’étais pas la seule aux prises avec une terrible insomnie et des cauchemars dans les cas où j’étais en mesure de m’endormir.
« Je peux venir avec toi ? » « Mouais, si tu veux. » N’ayant pas envie d’argumenter sur son manque d’enthousiasme, je n’attendis pas plus longtemps pour m’approcher et me faufiler dans le lit de mon grand frère. J’espérais qu’il me prenne dans ses bras, qu’il me protège, comme il l’avait toujours fait, mais il demeura de marbre, fixant le vide. Je laissai passer un petit silence, puis je dis :
« Cam’, tu penses à quoi là ? » Comme un robot, il me répondit :
« Que c’est de la merde, tout ça. Ça a gâché nos vies, tu vois ? On ne sera plus jamais pareils, je ne serai plus jamais pareil, Li’. » « Dis pas ça… Maman et papa ont dit qu’on pourrait passer par-dessus… On aurait… » « Tu réalises pas que c’est de la foutaise !? Ça fait une semaine que nous sommes rentrés, et rien n’a changé. Parfois, je me demande si ça n’aurait pas été mieux qu’on reste à pourrir là dans cette cave… » Choquée, je baissai la tête, chassant maladroitement une larme qui s’était échappée de mon œil droit. Peut-être que je n’avais pas compris certaines choses, qu’on m’avait épargné certains détails de tout ce qui avait pu se passer dans la maison pendant notre absence, et je savais bien que tout cela me faisait peur, que j’avais changé, mais j’avais accepté de vivre avec, ou du moins, apprendre à le faire. Pour Cameron, c’était différent. J’avais peur. Non plus pour moi, mais pour lui. Je voulais retrouver mon frère, me rapprocher de lui, mais il était devenu une autre personne. Un mur s’était formé entre nous, et du haut de mes onze ans, je priais pour qu’il tombe, parce que j’avais besoin de mon frère, plus que jamais.
1998 Ce qui fait la différence entre un perdant et un gagnant, c'est que lorsque les deux tombent, le gagnant se relève. « Hey Cam’ ! Je sais pas si tu es sur la route ou si c’est juste parce que t’as oublié ton portable, mais ne désespère pas, j’arrive bientôt, c’est juste que j’ai commencé à parler avec Monsieur Smith, et j’ai pas vu l’heure passer. Je prends mes affaires et je sors ! » Pressée comme tout, je faillis échapper mon téléphone alors que je raccrochais, retenant mes bouquins de cours d’une autre main. Je détestais faire attendre Cameron comme cela, surtout que c’était la première fois qu’il venait me chercher au collège avec sa voiture. Il était si fier de l’avoir, si bien que ces derniers jours, je l’avais vu sourire pour une des premières fois depuis trois ans. Je crois qu’il n’avait même pas eu besoin de prendre ses antidépresseurs qu’il consommait sur une base régulière depuis notre retour d’enlèvement, n’ayant pas réussi à s’en remettre comme je l’avais fait avec quelques séances de thérapie avec un psychologue. Et moi, j’étais contente qu’il vienne me chercher, sauf que pendant un instant, je m’étais laissée emporter par une discussion avec mon professeur de langues. Il se trouvait que cette année, je m’étais découvert un profond intérêt pour les langues étrangères et la traduction, si bien que j’avais demandé à mon professeur quoi faire pour me rendre là, pour avoir un emploi intéressant, et il avait pris le temps de répondre à toutes mes questions. Cependant, le fait que mon frère vienne me chercher m’avait rappelée à la réalité, et maintenant, je faisais tout mon possible pour ne pas rattraper le coup et le faire attendre trop longtemps.
Sitôt mes affaires dans mon casier, mon sac sur l’épaule, je courus presque jusqu’à l’entrée. Je regardai mon téléphone une autre fois, toujours pas de message ou d’appel. Peut-être Cameron avait-il décidé de trainer, lui aussi ? Enfin, cela arrangerait bien des choses. Mais non ; dès que je sortis, je vis devant la voiture avec mon frère au volant. Il semblait regarder vers le bas, donc je ne me posai pas de questions, me dirigeant vers le véhicule. Du côté passager, je frappai dans la vitre, pas de réaction. Je recommençai, plus fort, en lâchant un :
« Cameron, j’suis là ! », mais mon frère demeura aussi immobile qu’une statue. Ajoutant un :
« Allez, c’est pas drôle, ouvre-moi ! », je m’attendais à ce qu’il bouge, qu’il cesse de se moquer de moi, mais il ne le fit pas. Je scrutai alors un peu plus le véhicule, pour me rendre compte que Cameron n’avait pas seulement la tête baissée, il avait également les yeux fermés, l’air mou, comme s’il ne respirait plus. Ne pouvant pas ouvrir la portière, puisque tout était verrouillé, je cherchai, paniquée, quoi faire. J’ouvris alors mon sac, prenant le plus gros livre qu’il contenait, puis je frappai de toutes mes forces dans la vitre pour la casser. Je réussis, puis je déverrouillai les portes, allant du côté conducteur en courant. J’ouvris la portière, puis sitôt, je regardai le visage de mon frère, le secouant pour le réveiller. Dans sa main, je vis un pot de comprimés vide. En attendant, probablement puisqu’il déprimait de revoir cet endroit où il avait été enlevé, il avait commencé à en prendre, peut-être un peu trop, et il avait fait une overdose.
« Ca… Cameron… CAMERON, merde, réveille-toi, tu ne peux pas me faire ça ! » Pourtant, il l’avait fait. Mon frère était maintenant parti. À genoux devant la voiture, mes poings sur sa poitrine, je posai ma tête sur sa cuisse, et je commençai à pleurer toutes les larmes de mon corps, ne pensant même pas à appeler quelqu’un à l’aide, appeler nos parents. Pas maintenant, il me fallait mon moment avec mon frère, la dernière personne qui avait compris ce que j’avais pu vivre. Je sentais déjà le vide s’installer dans ma poitrine, et mes pleurs de désespoir devinrent des pleurs de douleur que je poursuivis jusqu’à ne plus être capable de pleurer, de faire quoi que ce soit.
2007 Parfois on aimerait faire ce qu'on veut, mais pour ceux qu'on aime, on doit faire seulement ce qu'on peut. « Papa ! J’ai vingt-deux ans maintenant, et j’ai un diplôme en poche ! Je ne l’ai pas fait pour le plaisir, c’est parce que je veux un boulot qui me plait, pourquoi tu ne le comprends pas !? » J’avais l’impression que c’était la énième fois que je tenais ce propos depuis trois jours. Enfin, cela ne faisait pas que trois jours que ce sujet était terriblement délicat dans la demeure familiale, Mais maintenant que c’était confirmé, que la collation des grades était passée, c’était pire que jamais. Pourtant, nous revenions toujours sur la même chose, les mêmes arguments, ça tournait en rond, et on n’avait jamais fini de s’engueuler. Je ne pouvais pas prédire l’avenir, mais je le savais quand même. Je ne sus même pas surprise que mon père me dire, après avoir roulé les yeux au ciel :
« Justement, tu as passé quatre ans à faire ce que tu veux, pourquoi tu ne me ferais pas plaisir, maintenant ? » « Parce que c’est ma vie, pas la tienne ! Je sais que tu as été un général super réputé et tout, mais peut-être que ce n’est pas ça que je veux, tu sais ? » « Oh, je m’excuse d’avoir des rêves pour mes enfants alors ! Enfin, le seul enfant qui me reste… » Je pinçai les lèvres, il ne me l’avait jamais encore faite, celle-là. Je me sentis mal un instant, sachant parfaitement qu’il avait toujours voulu voir Cameron intégrer l’armée de l’air, devenir une personne importante. Cameron le voulait aussi, mais évidemment, tout avait changé. Je baissai la tête un instant, ne sachant plus quoi dire. Depuis que j’avais commencé mes études en traduction, j’espérais un jour pouvoir avoir un emploi dans ce domaine, aux Nations Unies, ou bien dans une ambassade, pouvant le combiner avec mon rêve de voyager partout, parce que mes études m’avaient fait tomber en amour avec les autres cultures, l’inconnu.
Mais pourtant, papa ne semblait pas vouloir adhérer à l’idée. Il ne m’avait jamais dit pourquoi, bien que j’avais quelques doutes, espérant encore et toujours qu’il finisse par partager le fond de sa pensée. N’ayant plus envie de tourner en rond, je finis par soupirer, puis lui demander :
« Pourquoi tu t’y opposes tant, papa ? » Un silence s’installa pour quelques secondes, puis il me dit :
« Parce que je sais qu’avec l’armée, même si c’est dangereux, tu seras en sécurité. J’ai connu ce milieu toute ma vie, je sais comment ça se passe et… Je veux que tu sois en sureté, c’est tout… » Je ne dis rien, appréciant le fait qu’il soit finalement sincère avec moi, pour une fois. Puis, il ajouta :
« J’ai peur pour toi, Lincoln, depuis que tu as 11 ans, j’ai peur à tous les jours… Je veux te donner ta vie d’adulte, mais j’ai des craintes, tu vois ? » Je pourrais peut-être passer pour faible, mais j’acquiesçai, finalement. Je m’approchai de mon père, puis je le pris dans mes bras, le serrant contre moi, un instant. Après tout, avec ma mère, ils étaient la seule famille qui me restait à présent, pouvais-je vraiment faire quelque chose contre cette volonté ? Je restai ainsi pendant un instant, puis je dis, timidement :
« Si je dis oui… Tu me laisses choisir le poste que tu veux ? » Nouveau silence. Apparemment, il avait probablement trouvé une place pour moi sans me le dire. Je relevai la tête, le regardant. Je croisais intérieurement les doigts, me disant qu’il me devait au moins ça. Finalement, il fit sa part aussi, compte tenu que j’avais fait la mienne, et il dit :
« Oui, c’est toi qui choisis. » Je souris en coin, puis j’embrassai mon paternel sur la joue, heureuse de voir que finalement, si je trouvais une place dans ce que j’aimais, peut-être que je pourrais faire quelque chose de bien, au final.
2014 Aimer, c'est faire des sacrifices. Si je te quitte, c'est parce que je t'aime assez pour ne pas te faire souffrir plus longtemps. « Bé’, je suis de retour ! » Habituellement, qu’importe où Avery se trouvait dans la demeure, il était en mesure de m’entendre, et alors que je retirais ma veste, il me répondait, engageant ainsi la conversation que nous avions lorsque j’étais de retour du travail. Pourtant, aujourd’hui, aucun son. Limite, j’en vins à me demander s’il était là, ou bien s’il avait mis ses écouteurs pour travailler – étant écrivain, il travaillait surtout à domicile. J’accrochai le vêtement, plaçai les clés dans le plat prévu à cet effet dans l’entrée, puis je lâchai un nouveau :
« Avery, tu es là ? », réalisant seulement par la suite que je n’avais pas à parler si fort ; il était juste là, dans le salon, affalé dans le canapé, les bras croisés. Il n’écoutait rien, il semblait perdu dans ses pensées. Je m’approchai donc, et je dis, plus doucement :
« Hey… Tu ne voulais pas… » « Tu arrives tard. » Je demeurai choquée par sa réaction. En effet, j’étais arrivée tard, mais normalement, il n’était pas du genre à me le reprocher, sachant pertinemment que mon emploi demandait parfois à ce que je reste plus tard, ou des trucs du genre. Pourtant, ce n’était pas cela qui m’avait retenue, bien que je dis, en me grattant un peu nerveusement la nuque :
« Euh bah tu le savais, j’avais du boulot… » En fait, j’avais fini à une heure normale, mais ce que j n’osais pas lui dire, c’était que j’étais passée voir Matthew, brièvement. Je ne voulais pas lui dire parce que cela aurait tôt fait de mettre une grosse dispute entre nous, ce que je ne voulais pas faire, déjà qu’il semblait à cran pour quelque chose que je ne comprenais pas, ou du moins, pas encore. À ma réponse, il se leva, puis il dit :
« Tu aurais pu me prévenir, quand même. J’en ai un peu assez que tu sois longue comme ça… » Ne sachant pas comment réagir autrement, je lui dis :
« Je m’excuse, d’accord ? Parfois, c’est hors de mon contrôle, et tu le sais… » Puis, il revint à la charge, et il dit :
« Ouais, c’est ça. Après, comment tu veux qu’on ait une vie normale quand on ne se parle presque pas, qu’on ne se voit plus ? » Je roulai les yeux au ciel. Il revenait encore sur la même discussion. Personnellement, avoir une vie de famille, stable, je n’en étais pas certaine. Je savais bien que c’était le désir d’Avery, et ce fut le mien pendant un moment, mais maintenant, avec Matthew qui sort du coma, le fait que j’ai envie de le voir, bien qu’il ne se souvienne plus de moi, tout devient plus compliqué. Pourtant, j’essaie encore et toujours de sauver les meubles en disant, l’air résigné :
« Qu’est-ce que tu veux ? Comment je suis supposée te prouver que je veux être avec toi, à la fin ? » Puis, sans même hésiter, il me regarda, et dit :
« Épouse-moi. » « Quoi ? » « Épouse-moi. Je sais que je ne te le demande pas de la façon la plus délicate qui soit, mais si tu m’aimes vraiment, si tu veux passer ta vie avec moi, alors tu as juste à dire oui… » Je le regardai, les yeux écarquillés. Le pire dans tout cela, c’est qu’il paraissait terriblement sérieux, et moi, je me retrouvais au pied du mur. C’était là une véritable torture, chose impossible à envisager pour le moment. Il était hors de question que je dise oui, mais encore fallait-il que je lui explique pourquoi ? J’espérais sincèrement que non. Je baissai la tête, et je dis :
« Non, Avery, je ne peux pas te dire oui comme ça… Je suis désolée. » Ce fut à son tour de faire le même geste que moi, et en guise de réponse, il me dit :
« J’vais faire un tour. » Puis, je le laissai partir sans rien dire. Après tout, peut-être que c’était mieux comme ça. Je ne pouvais pas le faire espérer alors qu’il n’avait rien à attendre de moi, qu’il ne méritait pas d’attendre après moi. Les rôles furent alors inversés ; c’est moi qui s’installa dans le canapé, l’air confus, me repassant cette discussion dans ma tête et surtout, ne sachant plus du tout quoi faire de tout cela.
What about me
PSEUDO/PRÉNOM :
Mayiie/Marilyne. ÂGE :
23 ans. PRÉSENCE :
Normalement je passe environ tous les jours. OÙ TU AS CONNU LE FORUM :
Par une publicité Facebook. PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO :
Inventé, mais avec une petite recherche de liens avant. CRÉDIT DE LA FICHE :
Tumblr. UN DERNIER MOT :
Je vous aime déjà .