That's how its supposed to be :
living young and wild and free
shaynah & matthew

Entre les séances de rééducation, les entretiens avec la psychologue, les thérapies de groupe, les entrainements à la base, les cours de l’armée et la visite de tous les sites, c’était à peine si je jeune officier River avait encore de la place pour son temps libre dans son planning surchargé. Cependant, même s’il semble crouler sous le poids des évènements et de l’enchainement des choses, le jeune homme mesure grandement la chance qu’il a d’avoir pu réintégrer la base d’Hickam. Persuadé que ce genre de faveur ne se faisait que dans des cas extrêmes, il était conscient d’avoir échappé à la retraite anticipée. Combien d’anciens combattants avaient la chance comme lui de pouvoir réintégrer leurs fonctions, ou même comme dans son cas, reprendre en bas de l’échelle et les gravir pas à pas, faire ses preuves ou mourir –enfin presque. Réaliste, il savait que cette chance n’était qu’une carotte qu’ils avaient accrochée devant lui pour le faire avancer. Cependant, il sentait au fond de lui cette détermination et cette vivacité qui resurgissait et prenait emprise sur lui. Etrangement, il se sentait UN avec la base et tous les éléments qui la composaient.

Cet après-midi qu’il avait enfin de libre, il avait promis à sa chère Shay de la lui réserver. Cette dernière avait vraiment fortement insisté sur le fait qu’il devait obligatoirement venir, sentant presque que s’il osait ne pas tenir à sa parole, elle viendrait le tuer dans son sommeil. L’idée le fit rire. En la voyant, on ne la croirait pas capable de faire du mal à une mouche et pourtant en deux semaines à peine, il avait bien compris à qui il avait affaire. Un mélange de tendresse dissimulé par un caractère bien tranchant, Shaynah lui donnait parfois bien du fil à retordre. Elle faisait souvent des allusions, si bien que, ne décelant pas toujours le vrai du faux, Matthew hésitait parfois. C’était facile pour elle. Elle le connaissait, mais lui, il ne savait pas encore comment elle fonctionnait. Cependant, son amie était facile à vivre et avait plus souvent le cœur à rire qu’autre chose, ce qui mettait un peu de légèreté dans le quotidien un peu lourd du jeune homme.

C’est à l’heure pile du rendez-vous fixé qu’il frappa à la porte de l’appartement  de Shay. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit et … rien, personne. Le temps qu’il réalise ce qui se passait, un petit bout de chou d’un peu plus d’un mètre lui couru dans les jambes tout en s’exclamant « Mathooouuuuu » un léger son sortit de la bouche du grand gaillard « Heu … ». Pétrifié, figé sur place, l’ex soldat ne savait plus quoi faire. Revenant peu à peu à lui, c’est machinalement qu’il prit la petite fille de vingt kilos à peine dans ses bras. Il la regarda quelques secondes dans les yeux, conscient qu’il devait dire quelque chose sous le radar attentif de la petite fille. Il fut sauvé à temps par la silhouette de Shaynah qui s’approchait d’eux, ayant surement trouvé le temps long à attendre son entrée. Il la regarda presque en la tuant du regard, une once de crainte également « Tu n’aurais pas oublié de me dire quelque chose par hasard ? » lui demanda-t-il.

Etre militaire  c’est bien plus qu’un métier. C’est une passion, une vocation. Quelque chose que vous avez en vous, qui vous pousse à faire d’improbables sacrifices. Une chose qui vous fait vous sentir vous-même. Elle vous prend tout votre temps, vous éloignes parfois du monde pour vous enfermer dans une sorte de bulle. Mais peu importe. Vous avez ça dans le sang. C’est le cas pour Shaynah. L’Armée lui a tout donné. Et elle lui a tout prit. Pourtant elle est fière de son métier, fière de cette passion qui l’anime. C’est un peu cette privation des siens qui lui fait savourer encore plus les instants qu’elle passe avec ceux qui lui reste. Nul besoin de compter les heures supplémentaires qu’elle avait du faire pour obtenir ces deux jours de repos, mais elle lui devait bien ça. C’était pour Elle qu’elle faisait ça.

Alors peut importe les sacrifices qu’elle allait faire en amont, elle lui réserverait ces deux jours rien qu’à elle. Apres tout, on n’avait pas six ans tout les jours. Oublié le tailleur formel du bureau des renseignements, sortir la tête des écoutes en arabe, russe ou chinois. Depuis ce matin le centre de son monde était sa fille. C’était pour elle qu’elle avait fait tout ça. Pour ses petits yeux noisettes qu’elle avait quittés son pays, refait sa vie. Pour ce minois à craquer qu’elle affichait un sourire constant, une joie de vivre qui semblait si naturelle. Une façade, un masque. Rien de plus. Elle devait se montrer forte pour sa fille, se montrer vivante pour son entourage. Personne ne devait voir ce qui se passait le soir, lorsqu’elle se retrouvait seule dans le noir…Mais aujourd’hui ses démons étaient loin. Aujourd’hui elle avait le cœur léger.

Dans l’appartement d’ordinaire si bien rangé régnait un joyeux bordel. La décoration épurée envahit par des ballons et des cotillons multicolores. Tout ce rose et ces paillettes lui auraient donnés la migraine d’ordinaire mais pour sa fille elle supportait n’importe quoi. Le goûter d’anniversaire approchait à grand pas et sa fille se transformait peu à peu en une pile électrique. Et même si toutes les deux étaient sur le pied de guerre depuis huit heures ce matin, il restait encore plein de choses à faire. Mais elle savait que cet après midi, une paire de bras supplémentaires allaient venir donner un coup de pouce volontairement…En fait pas si volontairement que ça. Petit détail qu’elle avait fait exprès d’omettre en l’invitant chez elle. Pas qu’elle doute qu’il refuse si elle lui en avait fait par, mais c’était surtout pour voir la tête qu’il allait faire en découvrant tout cela.

Cela faisait deux semaines maintenant qu’il était enfin de retour. Deux semaines à pouvoir de nouveau lui parler. Les mois précédents avaient étés longs, difficiles. Mais ils étaient passés. Les séquelles étaient là. Chez elle comme chez lui. Plus importantes dans son cas. Peu importe. Cela ne changerait rien. Matthew était toujours le même, alors pourquoi se comporterait elle différemment ? Son amnésie ? Pas une raison de changer. Au contraire. Si elle profitait de cette faiblesse ? Oui parfois. Jamais méchamment, juste pour rire. Des anecdotes racontées sur le ton de la plaisanterie, des détails sur lui, sur elle …

Des petits coups secs sur la porte la firent quitter la cuisine pour la terrasse, appelant sa fille qui installait les assiettes en plastique sur le toit aménagé. Elle dévala les escaliers pour se précipiter en direction de la porte pendant que Shaynah enlevait son tablier pour suivre sa fille. Voila qu’elle la retrouva accroché au coup de son ami, souriante comme jamais sous le regard perdu de Matthew. Alors elle se retint de rire, se souvenant qu’elle n’avait pas mentionné Amalia dans les détails qu’elle lui racontait. Tendant les bras pour reprendre sa fille, elle la posa à terre en faisant signe à Matthew de la tête pour qu’il la suive à l’intérieur. « Ta tête était juste magnifique. Je regrette de ne pas avoir prit une photo » lui répondit elle avant de dire à Amalia de finir de préparer la table dans leur langue natale.

Guidant Matthew vers la cuisine américaine, elle passa derrière le comptoir, un sourire amusé toujours accroché aux lèvres. « Que tu ne m’ais pas reconnu moi ce n’est pas grave…Mais elle… » Son sourire laissa place a une expression vexée parfaitement imitée. L’occasion était trop belle et elle sentait qu’elle ne pouvait passer à coté. D’un signe de tête elle indiqua un cadre où la photo de sa fille a la plage était protégée derrière le verre « Pourtant je trouve qu’elle à tes yeux. Ton menton aussi. Heureusement elle a prit mon nez ! » Ajouta-t’elle avant de se retourner vers le frigo, cachant un sourire et profitant pour prendre deux bières au frais. A peine les canettes posées sur le comptoir, Amalia réapparue dans le salon, un carton d’invitation à la main qu’elle tendit au jeune homme avant de repartir comme une fusée. Amalia tenait vraiment ca de sa mère : incapable de tenir en place. Shaynah elle ne dit plus un mot, se tenant de rire en l’observant et sirotant sa boisson.

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La bombe était lancée. Aucune échappatoire possible. Aucun refuge où se terrer. Les mots étaient tranchants. Coupé à vif, l’officier River ne savait plus quoi faire, ni même comment réagir. La petite fille lui avait filé entre les doigts aussi vite qu’elle était arrivée dans ses bras. Les évènements avaient défilé à une vitesse folle devant ses yeux tandis que l’instant d’après semblait durer d’interminables secondes. Un petit ange, une petite princesse, au milieu de ce décor tout rose et pailletté. Scié, Matthew ne bougeait même plus. Comment est-ce que vus réagiriez, vous, si on vous annonçait comme ça, à la volée, que vous êtes père d’une petite fille de six ans et qu’on a OUBLIÉ de vous le mentionner à votre réveil, amnésique comme vous êtes ? Crieriez-vous contre l’intéressé ? Fuiriez-vous la réalité ? Prendriez-vous cela à la légère, décidant tout à coup de reprendre votre vie où vous l’aviez laissée alors que vous vous étiez promis d’aller de l’avant et de ne pas vous laisser influencer par le passé ? Prendriez-vous quelques secondes pour réfléchir ? Iriez-vous marcher durant de nombreuses heures dans la ville ou le long de l’eau pour vous vider l’esprit ? Vous excuseriez-vous platement avant de vous défiler, prétextant ce rôle bien trop lourd de responsabilités pour vous ? Téléphoneriez-vous à votre mère ou votre père pour lui demander quoi faire ? Appelleriez-vous un ami ? Voudriez-vous faire un test te paternité pour vérifier la réalité des faits ? Penseriez-vous être complètement passé à côté de votre vie ? Considèreriez-vous cet enfant comme le vôtre ? Cet enfant que vous ne connaissez pas et dont vous n’avez aucun souvenir ?

Shay venait de lui clouer le bec, le rendant par la même occasion nerveux et confus. Comment aurait-elle bien pu oublier un détail pareil. Une fille, ça ne s’oublie pas de se mentionner. Et elle ne lui avait pas mentionné non-plus qu’il y avait eu quelque chose entre eux. Pourtant, c’est bien le genre de chose que l’on fait en premier quand on se présente à un amnésique que l’on connaissant avant son amnésie, non ? Le trouble s’emparait de son esprit tandis que, les yeux rivés sur la gamine qui s’approchaient d’eux, il continuait de se poser mille questions tout en restant muet. Le carton d’invitation dans la main, il la parcourra vite du regard, remarquant la date de naissance de la fillette. Une date qui ne lui disait absolument rien. Espérant toujours que ses souvenirs reviennent comme par des flash, sa mémoire avant encore faillit à la tâche. Se disant que si il ne pouvait même pas se souvenir de la naissance de sa fille, il était inutile d’espérer un jour retrouver tous ses autres souvenirs. Matthew abandonnait, le regard fixé sur la photo essayant de déceler ces dites ressemblances, tandis que derrière lui, il entendait quelques gloussements de rire. Il se retourna vers Shay, déterminé et ayant enfin trouvé le courage de dire quelque chose « Je … ». River s’arrêta net lorsqu’il remarqua que son amie était pliée de rire, retenant son rire entre ses mains. « Oh … Tu trouves ça marrant en plus ? » Le jeune homme aurait pu se mettre en colère mais il ne le fit pas, se rendant compte de l’absurdité des évènements. Décidément, cette fille avait décidé de lui faire tourner la tête en bourrique, se jouant des évènements et de son amnésie. Après tout, ça le changeait de tous les autres qui prenaient sans cesse des pincettes avec lui. Il la fixa alors droit dans les yeux et s’affirma « Tu me le payeras … Très cher ! » maintenu-t-il. Une sorte de promesse qu’il se faisait à lui-même, une menace pour elle, mais une chose qu’il se ferait un malin plaisir d’appliquer le moment venu.

L’ex soldat se retourna alors vers toutes ces petites choses qui envahissaient le plan de travail de la cuisine. « Bien, j’imagine que c’est pour ça que je suis là ? » dit-il tout en agitant le carton d’invitation à l’anniversaire. Encore une fois, elle l’avait piégé et encore une fois, il ne lui en tiendrait pas rigueur. « Par contre, tu ne m’auras pas à porter cet affreux tablier rose » ajouta-t-il tout en le pointant du doigt. « Je me demande d’ailleurs quelle mouche t’a piquée pour que tu l’achètes … » plaisanta-t-il à son tour. Matthew ouvrit sa bière et en but quelques gorgées, un peu comme pour évacuer le faux stress qu’elle lui avait fit subir avant de reprendre « Alors, à quoi est-ce que je vais te servir ? »

Se retenir de rire. Refouler cette envie d’exploser devant lui. Profiter encore un peu de cette bombe qu’elle avait lancée. Est-ce que c’était méchant ? Absolument pas. Est-ce qu’elle profitait du fait que son ami ne se souvienne absolument de rien ? Oui totalement. Mais il y a une différence entre profiter et Profiter avec un grand P. Elle n’avait rien a lui sous tirer, aucune mauvaises raisons de profiter de son amnésie pour obtenir des choses. Non, elle s’amusait juste. Le Matthew en face de lui n’avait rien de différent avec celui qu’elle avait rencontré en soirée a son arrivée sur l’Ile. Elle n’avait pas à ce comporté autrement. Il n’était pas stupide, ce n’était pas un gamin et il était encore moins mourant, alors pourquoi devait elle prendre des pincettes ? Oh parce que d’après les médecins il fallait le ménager ? Est-ce que ca serait vraiment bon pour lui si tout le monde lui parlait comme a un retardé ou prenait des précautions irréalistes de peur qu’il n’explose comme une fragile figurine en porcelaine ? Shaynah n’était pas convaincue de ça. S’il voulait retrouver une vie normale, c’est avec des amis qui se comportaient comme avant qu’il y arriverait le mieux. Bon d’accord il est vrai que lui balancer ainsi qu’Amalia pouvait être sa fille était un peu trop…Oh diable, sa tête a cet instant était juste à mourir de rire. Se mordant l’intérieur de sa joue, elle ne le lâcha pas du regard, savourant le trouble qui se peignait sur le visage du jeune homme. * Rassure toi Matt, elle a rien de toi et tu es a des années lumières de ressembler a son père* C’était vrai. Amalia ne ressemblait pas à River. Elle n’avait ni ses yeux ni son menton. Elle avait bien par contre le nez de sa mère. Et ses yeux aussi. Heureusement pour Shaynah elle n’avait pas prit le regard du Père. Elle n’aurait pas supporté voir ses yeux à lui a chaque fois que les siens se posaient sur sa fille.

« Je… » Il la regarda. Pour elle, ce fut impossible de se retenir plus. Une main devant ses lèvres, elle laissa échapper un rire doux alors que le doute et le voile de stress qui avaient envahi le visage du jeune homme s’envolaient. « Oh…Tu trouves ça marrant en plus ? » Evidement qu’elle trouvait ça drôle, sinon elle ne serait pas là à essuyer une larme qui roulait au coin de son œil. Beaucoup auraient mal prit cette petite blague, auraient prit leurs jambes à leur cou ou se seraient murer dans un profond silence. Pas lui. Elle n’aurait pas fait ce coup là à quelqu’un d’autre, elle n’aurait pas osé. Mais elle avait en mémoire le souvenir du Matthew d’avant, celui avec qui elle se chamaillait gentiment quasi continuellement. Juste qu’elle continuait à le faire alors que lui n’avait plus en tête ce genre de petits détails. « Tu me le payeras…Très cher ! » Elle leva un sourcil sous cette menace, buvant une gorgée de sa bière avant de se pencher vers lui en s’accoudant sur le comptoir « Attention River, j’ai une longueur d’avance » lui répondit-elle avec un sourire. Elle le mettait au défi de vraiment se venger, voir s’il allait faire ce que l’ancien lui aurait fait. Terminant sa bière qu’elle jeta dans la poubelle, elle laissa le temps à Matthew de deviner la véritable raison de son invitation. Cet après midi, l’ancien militaire allait faire de la cuisine pour une troupe de petites princesses en furie. Une mission à ne pas prendre à la légère je peux vous le garantir, les enfants sont parfois plus exigeants que les hauts gradés scotchés dans leurs sièges. « Et oui, ta fille que tu aimes tant fête ses 6 ans aujourd’hui ! » répliqua t’elle alors qu’il agitait le carton d’invitation. Bon sang elle avait déjà 6 ans…Shay venait de prendre un léger coup de vieux rien qu’en énonçant l’âge de sa petite fille. « Qu’est ce que tu as contre mon magnifique tablier ? » dit elle en le dépliant après avoir fait le tout du comptoir pour se mettre a coté de son ami « Il est juste pas très viril pour toi c’est vrai. ..Mais aujourd’hui tu es dans un appart de filles, alors tu portes du rose ! » Elle lui le lui posa sur les genoux avant de s’attacher les cheveux en une queue haute pendant qu’il lui demandait a quoi il allait bien servir. Un sourire se dessina de nouveau sur les lèvres de Shay qui plaça ses mains sur les épaules de Matt «  Aujourd’hui le Capitaine devra suivre a la lettre les ordres du Lieutenant…Sinon je te casse une boite d’œuf sur le crane, capish ? » termina-t’elle en lui tapotant la joue et en retournant derrière le comptoir.

La cuisine était spacieuse et semblait être le seul endroit de l’appartement qui est échappé à l’avalanche de rose et de paillettes. Sur l’ilot central, les principaux ustensiles qu’ils allaient utilisés étaient déjà installé : fouet, cul de poules, cuillères en bois, spatules et autres matériels de cuisine trônaient fièrement. Aucun doute possible face à cet arsenal de pointe : Shaynah avait une certaine passion pour ça. Enfilant son tablier – rose lui aussi- elle se regarda dans le reflet du frigo métallisé «  Ok…Demain je brule ces trucs. Ils sont immondes  tu as raison. » Se frottant les mains elle se tourna vers Matt qui entamait sa bière. Au programme, rien de très compliqué : des cookies en étoile, un marbré arc en ciel et des brochettes de fruits pour la fondue au chocolat. « Agent River, votre mission si vous l’accepter – de toute manière vous n’avez pas le choix- sera des faire des cookies au chocolat ! Vous avez 35 minutes … »