En général, Aymeric allait voir sa sœur à l’hôpital deux fois par semaine. Le dimanche et le mercredi. Il avait réussi à avoir une autorisation spéciale vu sa situation assez complexe. Pour sa mère, il lui rendait visite le dimanche seulement. La voir l’insupportait. Ca lui faisait mal de l’entendre délirer sur sa vie. Il avait souvent envie de lui hurler à la figure qu’elle vivait dans un autre monde et qu’il fallait qu’elle se reprenne. Elle était complètement folle, et il ne pouvait rien faire pour l’aider. Il sentait que le centre n’était pas la meilleure solution, mais ne pouvait tout de même pas abandonner son métier. C’était sans doute trop tard pour espérer que sa mère guérisse un jour… Son père l’avait lâchement abandonnée à sa folie. Aymeric le détestait. Jamais il ne voulait le revoir, d’une manière ou d’une autre. Il était la raison de l’accident de Hope, et donc de la folie de leur mère. Tout était de sa faute, comme toujours. Il jurait de le frapper à mort s’il le recroisait.

Ca faisait plus de neuf ans que Hope dormait. Neuf longues années à se demander si elle se lèverait un jour. Elle avait changé depuis le temps, elle était toujours là, mais pas vraiment vivante. Aymeric continuait à s’accrocher alors que tout le monde autour de lui disait que c’était fichu, qu’elle ne se réveillerait jamais. Les médecins avaient plusieurs fois envisagé de la débrancher, mais il avait toujours fermement refusé. Sa sœur, elle ne mourrait pas. Elle s’en sortirait, c’était écris jusque dans son prénom. Alors il espérait, encore et encore, il espérait qu’elle ouvrirait finalement les yeux pour regarder le monde. Au fond il savait qu’elle y arriverait. Elle était forte, il le savait.

Il n’avait pas pu aller la voir le dimanche de la semaine précédente à cause de son travail. Une mission de dernière minute qui l’avait bien embêté, mais qu’il n’avait pas pu refuser, évidemment. Il attendait donc avec impatience le mercredi pour la voir, prêt à espérer qu’elle se réveillerait pour le sourire. Chaque fois il venait plein d’espoir et ressortait la gorge nouée en se disant que c’était fini. Puis il reprenait courage, et ainsi de suite. Ce mardi, il reçut un appel étrange de l’hôpital. On lui disait de venir aussi tôt que possible, que quelque chose était arrivé. La femme n’avait pas précisé la raison, et dans sa voir, on pouvait entendre la hâte presque paniquée. Aymeric s’était aussitôt inquiété évidemment, et avait couru dans le bureau de son supérieur pour le supplier presque de lui accorder une petite permission d’une semaine, lui expliquant la situation. Compréhensif, il avait accepté. Une chance.

Il se rendait donc rapidement en ville pour rendre visite à sa sœur et savoir ce qui lui était arrivé. L’avait-on débranchée sans son autorisation ? Etait-elle morte ? Il paniquait, s’imaginait les pires scénarios, sauf celui qu’il attendait depuis tant d’années. A son arrivée, on l’accueillit sans rien lui dire et il se dirigea jusqu’à sa chambre. Il resta pétrifié à l’entrée en voyant Hope assise dans son lit, les yeux ouverts. Il se demanda s’il rêvait, chose dont il avait l’habitude. Et pourtant, tout semblait bien réel. Il manqua de s’évanouir tant il était choqué, mais en même temps heureux de la voir. « Hope ? » Il osa vérifier.

Il s’avança lentement vers elle, les larmes aux yeux. Elle était là. Vraiment là. En un instant, il se rapprocha d’elle pour la prendre fermement dans les bras. Il la serra aussi fort qu’il le put, l’étouffant presque tant il avait rêvé de ce moment. « Je le savais ! Je savais que tu te réveillerais ! » Neuf ans qu’il n’avait pas serré sa sœur dans ses bras. Ca lui faisait un bien fou. La voir réveillée le remplissait de bonheur. Il en avait besoin. « Depuis quand tu es réveillée ?! Pourquoi on m’a pas appelé plus tôt ?! » Il se sentit presque coupable de ne pas avoir été là au moment  de son réveil, mais au fond, ce n’était pas si grave. Il était là désormais, et il était prêt à tout pour l’aider.

Il la lâcha finalement, toujours rempli d’émotion, puis s’assit sur le siège à côté d’elle, sans la lâcher du regard, trop heureux de la voir bouger. « Ca fait longtemps tu sais ? Ca fait neuf ans que j’attends que tu te réveilles. » Il lui prit la main et se mit à sourire. C’était fini maintenant. Elle allait vivre. Ce serait difficile au début, mais elle s’en sortirait. Elle s’en sortirait toujours.