« Vous avez une leucémie lymphoblastique aigue. Une LLA. » A leucémie, elle a cessé de comprendre le reste. C'est des mots de médecines, des mots qu'elle ne comprend pas. Elle retient leucémie, elle retient maladie. Malade. Six lettres fatales pour elle. Elle qui pense qu'elle a toute sa vie devant elle, elle ne l'a plus. Non, elle est malade. Elle n'aime pas ce mot. Malade, elle ne pouvait pas l'être. Elle regarde le médecin, sans aucun réaction. « Mademoiselle Bachman. - Appelez moi Sloan. - Sloan, il faut que vous suiviez un traitement, la chimio devrait faire régresser la maladie, mais nous n'en sommes pas certains. Il faut envisager que votre vie est écourtée, c'est à envisagé, comme vous pouvez vivre. Nous ferons tout pour que vous viviez le plus longtemps possible. » Elle lui a demandé de ne rien caché, de ne pas tourner autour du peau. Elle est malade, elle peut vivre, comme elle peut mourir. Et ça lui fait peur.


Madame Bachman était une femme comme les autres, avec un emploi comme les autre, avec une vie comme les autres, des goûts comme les autres, c'était une femme comme les autres, avec un mari comme les autres. Elle a eu une famille comme tout le monde. Comme tout le monde, sauf pour la dernière. Petite blonde aux yeux bleus. Une enfant de trop de la famille Bachman. Madame Bachman ne voulait plus d'un autre enfant, elle s'était dit qu'elle ne pouvait pas, alors, elle comptait la déposait à l'orphelinat, mais les services sociaux s'en ont mêlé, ils ont pris les quatre enfants. Car Madame et Monsieur Bachman n'était pas comme les autres, ils vendaient de la drogue en gros, pour les dealers, ils se sont fait prendre. Elle était trop petite pour savoir que ce soit, elle ne connait pas ses vrais parents, elle n'a jamais cherché à les connaître. Elle lui en a toujours voulu d'être ce qu'ils sont. Parfois, petite, elle se disait qu'elle pouvait leur en vouloir, que c'était son droit de leur en vouloir, car elle est séparée d'une famille qu'elle aurait pu avoir. Au foyer, elle a vu ses frères et soeurs partir sans se rendre vraiment compte que c'était ses frères et soeurs. Pourtant, ce n'était qu'un bébé, ni les uns, ni les autres ont pris le temps de l'aimer. Comment peut-on aimer, si on n'a pas de modèle, de patron à suivre comme en couture, juste elle, et personne d'autre. C'est comme ça qu'elle a appris à vivre dans ce foyer. Seule. C'est comme ça qu'elle se voit aujourd'hui, seule. Même si ça lui fait peur, même si dans tout les cas, elle a peur de la solitude, mais elle est seule presque seule. Aujourd'hui, elle ne se souvient pas grand chose du foyer, elle a oublié, oublié. Et elle ne veut rien se rappeler. Elle sait que ce n'est pas la pire des époques, mais ça été celle où elle a été la plus seule.

Dix ans, elle a eu dix ans quand elle est entrée dans une famille. Elle ne pensait plus qu'on voudrait d'elle, elle n'a jamais su pourquoi les autres ont plus souvent trouvé une famille qu'elle. Mais ces questions maintenant, n'existent plus, elle a eu une famille qu'elle aime toujours. Elle a eu une vrai famille, alors, elle n'a plus à se poser des questions. Elle se souvient du regard de la maman, un regard de femme aimante et tendre. Elle est un peu innocente, elle ne sait pas grand chose de cette famille, ni de l'amour qu'on peut ressentir, alors quand elle rentre chez les Kinegann, elle apprend, elle apprend à se lier, à avoir de l'amour, et elle essaye d'en rendre, le plus souvent. Le plus souvent, mais elle est maladroite, elle a un peu de mal. Surtout au début, si pour les parents c'était les bras ouvert, pour Maxime et Lucas, ce fut le contraire, les deux frères n'ont pas vu d'un bon oeil la présence féminine. Mais à dix ans qu'est-ce qu'on sait ce que pense des garçons de treize et quinze ans ? Qu'est-ce qu'on ceux de personne qu'on voit pour la première fois ? Rien. On ne sait rien, comme eux ne savent rien d'elle. Elle sait ce que c'est d'aimer, comme détester. Elle a appris, comme les grands à faire la part des choses, entre le bien, le mal, à avoir des responsabilités. Elle a appris à grandir, dans l'amour d'un père et d'un mère. Petite de dix ans, petite poupée aux yeux bleus, comme l'appeler le père. Une poupée qui a plus de mal à avoir un lien avec ses frères d'adoption, ou presque. Elle se souvient de leur regard, petite, elle souvient du regard de Lucas, le mépris dans les yeux. Mépris qui lui accorde toujours, mépris qui parfois la fait trembler de peur, mais elle montre rien. Lucas, et elle ça n'a jamais été une grand histoire d'amour, alors qu'avec Maxime, il a fallu le temps d'apprivoiser l'autre, le temps de s'habituer à la présence de l'autre. Il a pris le temps, et maintenant, il la protège, comme un frère et sa soeur, parfois, elle trouve que c'est trop, mais elle se contente de ses sourires qui veut dire tout va bien, c'est pas grave. Elle a grandi avec cette protection fraternelle, même si ça la bouffe, elle ne dit rien, elle prend sur elle. Si pour elle Lucas ne représente rien, pour Maxime, c'est autre chose, c'est plus fort.

Le temps de l'adolescence, le temps de grandir elle a vu Lucas vivre sa vie avec la fierté parentale, alors qu'elle passait assez de temps avec Maxime pour être très proche de lui, comme deux frères et soeurs, des presque vrais. Elle n'a plus eu le soucis de se dire : est-ce qu'on m'aime ? Est-ce qu'on tient à moi ? Elle en avait toujours la preuve un peu tout les jours. Et tout aller bien. Elle n'a pas eu chez les Kinegann, non. Les problèmes, c'est au lycée qu'ils sont apparu. Elle a demandé de ne pas être dans les mêmes lycées que ses deux frères, pour ne pas être un poids pour eux. Elle aurait peut-être du. Si le collège s'est passée comme sur des roulettes, les lycées fut difficile dès le début, elle n'a pas eu vraiment d'amis là-bas, loin de là. Au lycée, c'était la fille qui regardait tout le monde dans son coin, elle avait du mal d'aller vers les autres. Elle restait dans son coin. Parfois, ça ne te plait pas, de rester dans son coin, d'être différent des autres. Alors, ça a commencé les railleries, les moqueries, les coups bats, non c'est pas à toi. Elle ne disait rien, elle accusait chaque coup, chaque mot, sans rien dire. Pendant un an. Au bout de cette année, elle a décidé qu'elle ne supporterait pas ça, une année de plus, alors, elle tenta de se suicider. Lame de rasoir. Elle a espéré de ne pas se rater. Trop tard. Lorsqu'elle se réveille à l'hôpital, elle regarde autour d'elle, et elle a compris qu'elle s'en était sortie. Elle a le choix, jouer les dépressives, et recommencer, ou alors arrêter et se battre. Elle a opté pour la deuxième solution. Se battre. Elle s'est battue contre les mots, elle s'est battue avec les points. Elle a changé trois fois d'établissement au cours de sa scolarité. Et si à l'école, elle devenait une petite rebelle, en dehors, c'était le genre de fille sans attache amoureuse. Elle a fait les fêtes, elle a bu, elle s'est droguée, elle a essayé de se changer les idées. De vivre à sa façon. Puis, il y a eu le départ de Maxime, le fait qu'elle soit seule à la maison. Elle n'aime pas la solitude. Elle déteste ça. Et dans cette maison vide, avec les parents au travail, elle avait besoin de sortir. Et comme la plus part des adolescents, ses occupations nocturnes se sont tournés vers les fêtes.

Après le lycée, elle n'a pas continué les études. A dix-huit ans, elle ne savait pas quoi faire alors, elle a fait une formation, elle est devenue barmaid, comme ça, elle a choisi un métier, au hasard, presqu'en lançant une pièce ne l'air, et qu'elle revient comme ça, pile ou face. Face, j'étudie, pile, barmaid. C'était un peu ça. Et c'était tombée sur face. Elle esquisse un sourire, quand elle parle de son travail, malgré certains clients, elle aime y aller. Et doucement, elle a une vie qui lui plait, les coups d'un soir, une vie nocturne, des soirées lorsqu'elle est en congé. Une petite vie tranquille. Pas si tranquille que ça, après un an après sa majorité. Elle se souvient distinctement passer les porte du médecin, à l'hôpital, son air grave. Et les mots aussi, les mots lui font un peu peur, ou même beaucoup. Elle ne se sentait pas malade non, oui, elle a eu des infections pulmonaires, oui parfois, elle a des bleus pour un rien, parfois elle saignait du nez, mais c'est parce qu'elle était énervée, ou presque. Mais c'est tout. Non, elle n'est pas malade. Elle se souvient avoir crier ses mots, en sortant, elle se souvient du regard qu'elle a lancé, ou plutôt celui du médecin. Elle se souvient de chaque seconde passé, elle ne pourra pas les oublier. Elle ne pourra pas. En sortant, elle a croisé le regard bleu d'un tatoué, elle ne lui a pas souri, elle aussi croisé un autre homme, Ambroise, inconnu inquiet pour elle. Depuis, il tient à elle. C'est comme un grand frère pour elle. Même si elle adore Maxime, Ambroise fait parti de sa vie. Et des deux, c'est le seul à savoir sa maladie. Elle n'a rien dit à personne, elle ne dit rien, elle trouve une excuse quand ça parait anormale, ou qu'elle prend un médicament. Elle est malade, mais elle ne veut pas attirer pitié des autres. Et puis, une jour, après trois mois, elle a revu l'homme tatoué aux yeux bleus. Si au début, elle n'a pas fait attention à lui, elle s'est vite rendue compte qu'il était dans le même sac qu'elle. Malade. Malades. Et sans comprendre, elle s'est liée avec lui, elle l'a laissé entrer dans sa vie. Jusqu''à prendre un appartement à deux.

Elle est malade, elle passe une partie de sa vie à l'hôpital, elle passe une partie de sa vie gérer les effets de la chimio, mais elle regarde toujours les gens avec un sourire : tout va bien. Si elle, elle sait malade, personne ne serait le dire. Elle a gardé son rythme de vie, le boulot, les fêtes, les amis d'un soir. Elle a gardé son boulot. C'est tout, elle n'a pas changé de vie pour autant, elle ne vit pas sa vie à deux cents à l'heure parce qu'elle a une chance sur deux de s'en sortir. Elle n'est pas comme tout ses idéologues qui croient qu'il faut faire ce qu'on a pas fait, tombé amoureux, et tout ça. Elle n'y croit pas. Elle continue ce qu'elle faisait. Sans savoir si demain, elle se réveillera, si demain, elle mourra. Elle se lève juste, et elle voit.