« Get up ! Com’on. Arrête de faire ta mauviette, Callahan. » Tu entends l’injonction, mais ton corps refuse de la suivre. Etendue contre le sol froid, tu ne rêves que d’une chose : abandonner. Give up, Let it go. Te dit la petite voix dans ta tête. Plus elle insiste, plus tu te sens impuissante, presque convaincue par les propos. Tu n’as même pas envie de pleurer, plus envie de te battre. Ta tête bourdonne encore des coups que tu viens de te prendre. Il ne t’a vraiment pas loupée celui-là. Tu peux presque visualiser l’arc-en-ciel qui se dessinera demain sur ton visage. Presque. Un battement de cil, une silhouette sombre qui s’éloigne et l’accablement t’empare. Il s’en va. Quelque chose, un je-ne-sais-quoi que tu ne sais pas expliquer, t’étreint le cœur. Même de lui, tu n’es pas assez digne. La rage, l’envie de se battre, succède à ta lassitude. D’un coup, tu poses tes paumes à plat et exécute un mouvement pour te remettre sur pieds. Tu te sens un peu étourdie mais tu n’y prends pas garde. Tu dois leur prouver –lui prouver- que tu en es capable. Tu as beau faire partie du corps des pompiers, tu n’en restes pas moins une recrue de l’armée. Comme tout le monde, tu dois faire tes preuves. Tu amorces un mouvement sur la gauche, prête à attaquer mais, encore une fois, ton opposant – plus carré et fournis en muscles- te barre la route. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, tu te retrouves à la case départ. Etendue sur le sol froid, le souffle coupé par le choc brutal de l’affrontement. Tu te sens nulle. Inconsciemment, remplie de honte, tu fermes les yeux. (...) « Tu as une bonne technique mais tu n’as aucun muscles. » Tu te retournes en l’entendant s’adresser à toi. D’abord quelque peu blessée, tu cherches la trace d’ironie dans sa voix. Tu ne la trouves pas. Au lieu de ça, tu le sens t’analyser de la tête aux pieds. Cet examen te met mal à l’aise et te rends nerveuse, pour une raison qui t’échappe totalement. Il t’intimide, mais c’est bien plus profond que cela. « Tu devrais mieux placer tes pieds, là » Fait-il en bougeant ta taille des mains. Tu te laisses faire, interdite. « Je t’ai vue courir l’autre jour, tu as l’air d’avoir une bonne endurance. Sers-toi de ça pour fatiguer tes adversaires. Soit tu frappes la première, soit tu passes ton temps à esquiver les coups. La première solution me semble la plus efficace.» Tu hausses les sourcils, étonnée qu’il daigne seulement te conseiller. « Je ne pensais pas être autant observée… D’autant plus que tu as quitté les lieux l’autre jour. » Tu n’as pas besoin de préciser. En un regard, il a comprit ce à quoi tu fais allusion. Après quelques secondes qui te semblent durer une éternité, il sourit légèrement. Le premier sourire qu’il t’es donné de voir. « See you, Shane. »

« KEEGAN ! » Un cri hystérique vous fait tous les deux sursauter. L’intéressé lève un sourcil, partagé entre l’inquiétude et l’hilarité. « Elle a à peine treize ans ! » Ton père hausse les sourcils. La conversation revenait sans cesse entre tes deux parents. « Et alors ? Je te rappelle que j’en avais à peine dix quand mon propre père m’a appris à tirer à vue… » Ta mère lève les yeux au ciel. Comme d’habitude, elle incarne l’autorité et l’adulte de la maison, tu souris tellement le tableau t’es devenu familier. « Ce n’est pas un garçon, bon sang ! Elle devrait être dans sa chambre à vouloir se maquiller, essayer mes robes… » Tu la coupes tout de suite, ne voulant pas voir l’argument revenir sur le tapis. « J’ai pas envie de me maquiller ! Puis, les robes, c’est chiant. » Ton père a un sourire triomphant et lève les bras en signe d’impuissance feinte. Ta mère, réellement impuissante, tourne les talons en pestant tout bas. Ton père se retourne vers toi. « Bon, où en étais-je ? » Mine de rien, l’apprentissage reprenait.